Sécurité routière : les mesures annoncées par Elisabeth Borne

Sécurité routière, les mesures annoncées par Elisabeth Borne, CICR

Lors du Comité Interministériel de la Sécurité routière qui s’est tenu le 17 juillet 2023, la Première ministre, Élisabeth Borne, accompagnée du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, et du ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, a présenté le plan du gouvernement intitulé « Circuler en sécurité et en sérénité sur les routes de France ». Ce plan comporte 38 mesures réparties en 5 axes : « Éduquer pour mieux partager la route », « Mieux détecter, évaluer et suivre les inaptitudes à la conduite », « les usagers vulnérables de la route et accompagner les victimes », « S’engager pour la sécurité de toutes et tous sur les routes » et « Lutter contre les comportements les plus dangereux ». Le premier axe porte donc sur la formation des jeunes, mais aussi des adultes

Une meilleure formation en milieu scolaire

Ainsi, constatant l’augmentation de la pratique du vélo ces dernières années, le gouvernement veut développer un module de formation au collège, pendant le temps scolaire qui permettra de renforcer l’enseignement du « Savoir rouler à vélo » mis en place pour les 6-11 ans. Une validation des compétences acquises sur le sujet sera effectuée par l’ajout d’un module spécifique vélo lors du passage de l’ASSR 1 en classe de 5ème.
Outre la pratique du vélo, le gouvernement souhaite créer un Précode de la route. Objectif : donner « des solides connaissances de base de circulation » en renforçant les actions d’éducation routière en milieu scolaire qui préparent au passage de l’ASSR 2. De plus, le gouvernement veut durcir le niveau d’obtention de l’attestation scolaire de sécurité routière de niveau 2, en exigeant un minimum de 14 bonnes réponses sur 20 au lieu des 10 actuellement requises pour l’obtention de l’ASSR 2.

Favoriser l’accès au permis de conduire et baisser le coût de la formation

La mesure n°3 concerne plus directement les écoles de conduite puisqu’elle porte sur la formation initiale. Les objectifs affichés du gouvernement sont : « améliorer la lisibilité des prix et des offres des formations au permis de conduire » et « réduire le coût moyen de préparation du permis ».
Pour y parvenir, le gouvernement officialise la mise en place obligatoire du livret numérique dès janvier 2024. « Cet outil permettra d’améliorer le suivi pédagogique de l’apprenant, mais aussi de connaître précisément le nombre d’heures de conduite effectuées par candidat et par école de conduite », explique le communiqué de presse. « Ces données viendront enrichir la plateforme comparative des auto-écoles publiée par la Délégation à la Sécurité routière (dite « carte des auto-écoles »). Le candidat pourra ainsi mieux évaluer le coût de la formation dans son auto-école et la choisir en fonction du critère du nombre d’heures moyen observé ».
Le gouvernement veut, par ailleurs, supprimer le délai de trois mois pour suivre la formation « boîte manuelle » pour les titulaires du permis « boîte automatique ». Et dans le cadre de la passerelle « boîte auto », permettre que 2 heures sur les 7 que compte la formation soient réalisées sur simulateur de conduite (au lieu d’1 aujourd’hui).
Tandis que la conduite accompagnée présente un taux de réussite supérieur à celui obtenu en filière traditionnelle, ce cursus ne décolle pas d’année en d’année. Aussi, le gouvernement veut « favoriser le développement de l’apprentissage anticipé à la conduite (conduite accompagnée et conduite supervisée) pour faire baisser le nombre d’heures avec un moniteur, dès lors que la formation initiale est dûment validée ». Il souhaite également plus « communiquer sur le dispositif de conduite accompagnée, notamment sur la facilité à pouvoir être désigné tuteur, dans le cadre familial élargi (sœur, cousin…), mais aussi en tant que proche (ami…) ».
Enfin, le gouvernement affirme vouloir « informer sur les possibilités de conduite supervisée avant l’examen et l’autoriser après échec à l’examen », sans donner plus d’explication sur ce libellé.

Développer une e-formation gratuite pour les titulaires du permis

Compte tenu des évolutions de l’aménagement de l’espace public, de l’essor des nouvelles mobilités et des modifications réglementaires afférentes, « il est nécessaire que tous les usagers de la route puissent bénéficier d’un parcours de formation à tout moment de la vie, quand l’usager en ressent le besoin ». À cet effet, le gouvernement envisage de mettre gratuitement en ligne sur le site de la Sécurité routière des modules de e-formation. Plus concrètement, l’e-formation se composera de 2 modules d’1 heure, avec un premier module se présentant sous la forme d’un questionnaire d’auto-évaluation et un second prenant la forme de tests de connaissance du Code de la route incluant les nouvelles mobilités, les nouvelles réglementations, et le partage de la route. Des explications seront proposées pour les réponses erronées, assorties, le cas échéant, d’une courte vidéo de mise en situation des implications. De plus, une bibliothèque de modules complémentaires sera également conçue, avec des thématiques, d’une durée de 30 à 45 minutes, portant sur les règles de partage des espaces publics et leur motivation (bien-fondé et objectif), ainsi que sur les règles de vivre-ensemble ou de réglementation. Dans le communiqué, il est précisé que « cette e-formation pourra être élargie à toutes les phases du continuum éducatif afin d’inclure une implication des parents dans l’éducation routière de leurs enfants ».

Élargir l’accès à la conduite des véhicules du groupe lourd aux personnes en situation de handicap

L’arrêté du 28 mars 2022 permet à certaines personnes souffrant d’un déficit auditif complet ou d’un handicap moteur lourd d’accéder à la conduite des véhicules du « groupe lourd » qui leur était jusque-là interdite (catégories BE, C1, C1E, C, CE, D1, D1E, D et DE). Afin de permettre à cette disposition d’entrer en vigueur dans les meilleures conditions, le gouvernement prévoit d’adapter la réglementation sur la formation et les épreuves du permis de conduire, de conduire des actions de communication vers le grand public, les employeurs et les personnes en situation de handicap, et enfin, de recenser les auto-écoles proposant des formations aux personnes en situation de handicap et les afficher sur la carte des écoles de conduite, sur tout le territoire.

Ce qu’en pensent les syndicats auto-écoles

À la suite de ces annonces, les représentants de la profession sont mitigés. Patrice Bessone, président de Mobilians-ESR, salue « l’engagement du gouvernement et de la majorité pour la dynamique impulsée au service de routes plus sûres ». Surtout, il se réjouit car « c’est la première fois que le CISR n’est pas bloqué sur la répression, mais parle d’éducation et de continuum éducatif ». Cependant, « il va falloir aller plus loin car rappelons que l’objectif est de sauver des vies ». Ainsi, le président de Mobilians-ESR approuve l’abaissement de l’âge d’obtention du permis à 17 ans, mais il souligne : « J’ai bien entendu la Première ministre dire qu’il n’y avait pas plus d’accidentalité des jeunes dans les pays voisins où l’on peut obtenir le permis à 17 ans, mais elle oublie de dire que ces pays ont mis en place des rendez-vous post-permis. C’est pourquoi Mobilians-ESR demande que la formation post-permis de 7 heures devienne obligatoire dès 6 mois après l’obtention du permis ». Patrice Bessone n’est pas non plus convaincu par la e-formation gratuite, d’autant que « cette formation s’effectue seul face à un écran ». En revanche, Mobilans-ESR prône la mise en place d’une « formation de deux heures, obligatoire tous les cinq ans pour les conducteurs de plus de 70 ans qui prendrait la forme d’un audit de conduite et d’un échange relatif à la réactualisation des connaissances des règles sur la route et des déplacements des séniors. L’idée est de leur donner des astuces pour adapter leur parcours en fonction de leurs difficultés physiques. Par exemple, éviter des tourne-à-gauche qui s’avèrent plus dangereux que de tourner à droite ». En revanche, un point satisfait totalement Patrice Bessone : la suppression du délai de 3 mois pour passer la passerelle « boîte manuelle ». « C’était une demande de Mobilians-ESR et cela va permettre aux jeunes de ne plus de se voir refuser un emploi en raison de l’inadéquation entre leur permis de conduire et la typologie de la flotte de véhicules de leur employeur. Par ailleurs, cela va favoriser l’essor des véhicules électriques, et ce, dès la période d’apprentissage. »

Pour sa part, Sandra Carasco, présidente de l’UNIC, n’est pas contre la mise en place d’un Précode de la route au collège. Mais elle s’interroge : « Sur quel temps cet enseignement sera-t-il dispensé ? On demande de plus en plus à l’école d’aborder de nouveaux sujets au détriment de l’enseignement de base. Qui va dispenser cet enseignement ? Les professeurs de l’éducation nationale n’ont souvent pas les outils et les compétences pour enseigner le Code de la route. Et surtout, de quelle manière cela va être enseigné ? Si l’on se contente de passer des séries de tests, cela ne sert à rien. On n’aura pas de meilleurs résultats et les élèves arriveront toujours en école de conduite avec un niveau lamentable ». Autre sujet qui suscite des interrogations : la conduite accompagnée. Sandra Carasco confirme que le cursus de l’AAC permet de dispenser « une formation de qualité en prenant moins d’heures de conduite en auto-école, ce qui contribue à réduire le coût de la formation ». « Le problème, c’est que cela exclut certaines populations qui n’arrivent pas à avoir des accompagnateurs. Sans compter que certains assureurs ne jouent pas le jeu. Pour développer l’AAC, il faudrait pouvoir élargir non seulement les accompagnateurs aux cercles familial et amical -ce qui se fait déjà-, mais aussi au cercle professionnel, pour permettre aux jeunes en formation en entreprise d’apprendre avec leur patron sur le véhicule de l’entreprise. » En revanche, Sandra Carasco redoute que l’annonce de la Première ministre sur « l’abaissement de l’âge du permis à 17 ans ne tue la conduite accompagnée. Ces deux mesures me semblent paradoxales ». Enfin, concernant la suppression du délai de 3 mois pour passer la passerelle B78, la président de l’UNIC craint que les auto-écoles ne doivent faire face à une explosion de demandes d’inscriptions : « L’UNIC n’est pas n’est pas forcément opposé à cette mesure, mais on avait demandé un certain délai pour que la profession ait le temps de se préparer car actuellement, on n’a pas assez de véhicules automatiques pour répondre à une très forte demande dès janvier 2024 ».

De son côté, Bruno Garancher, président de l’UNIDEC, ne cache pas sa déception : « J’ai un sentiment de déjà-vu et de mesures sans grande ambition ». Par exemple, la mise en place du livret numérique est « juste un effet de communication car c’était prévu bien avant les réflexions du CISR ». De même, l’accès à la conduite des véhicules du groupe lourd aux personnes en situation de handicap est « une fausse mesure car c’était déjà pratiqué de façon dérogatoire ». Plus globalement, il regrette amèrement que « même s’il est important de s’adresser aux victimes, ce CISR ne se pose pas vraiment la question de savoir comment ne pas en faire [de victimes] ». Déçu donc, mais aussi choqué par certaines formulations, notamment quand le gouvernement avance comme principale avantage de la conduite accompagnée de « faire baisser le nombre d’heures avec un moniteur » pour faire baisser le coût du permis. « Pourquoi ne pas revenir à l’enseignement libre comme cela se fait dans certains pays », ironise le président de l’UNIDEC ! Et puisque l’on parle du coût de la formation, « ce n’est pas en permettant d’effectuer 2 heures au lieu d’une sur simulateur que l’on va pouvoir faire baisser le coût de la formation passerelle « boîte auto » et donc rendre le B78 plus attractif. Il aurait fallu permettre d’effectuer jusqu’à 5 heures de formation sur simulateur ». Pour conclure, Bruno Garancher déplore que ce CISR n’ait prévu aucune mesure sur le financement de la formation à la conduite. Et d’ajouter : « Ce n’est pas comme cela que l’on va régler le problème de la mobilité ».

JC
JC

Enseignant de la conduite depuis 2000 et créateur de JC Conduite, j'ai à cœur de partager mon expérience pour vous aider dans votre formation et votre vie de conducteur.

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