Examen du code : de nouvelles mesures anti-fraude.

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En début de mois, un arrêté récent publié dans le Journal officiel a actualisé les règles régissant les opérateurs agréés chargés de superviser les examens du Code de la route. Ces nouvelles mesures visent à combattre la fraude importante lors des examens théoriques du permis de conduire. Voici les détails :

Un constat inquiétant

Les professionnels de l’enseignement de la conduite connaissent bien la possibilité (et même la relative facilité) d’acheter son examen du code de la route en France en 2024. Qu’elle soit massive ou isolée, qu’elle implique un employé, un franchisé ou simplement des candidats mal intentionnés, chaque opérateur agréé doit faire face à ces cas de fraude, à divers degrés.

D’autant plus que cette fraude permet d’être « tranquille » pour 5 ans.

Les opinions divergent sur l’ampleur du phénomène. Selon les chiffres officiels de la DSR relayés par La Tribune des Auto-écoles, la fraude est considérée comme « extrêmement faible » ne représentant que « 0,11 % » des examens (soit 2 000 examens obtenus frauduleusement en 2023 sur 1,8 million d’examens passés). En revanche, le syndicat d’inspecteurs SNICA-FO estime que la fraude à l’examen du code est massive, allant jusqu’à dire que « 40 % » des examens sont obtenus frauduleusement.

La réalité se situe quelque part entre ces chiffres. La fraude touche principalement les grandes agglomérations (Paris, Marseille, Lyon et Lille) où entre 5 % et 10 % des codes obtenus le seraient de manière illégale.

De nouvelles règles pour l’examen de code

À ce jour, il y a sept opérateurs agréés (La Poste, Objectifcode, Code’n Go!, Dekra, Pointcode, France Code et Exacode) qui doivent se conformer à un cahier des charges précis. Ce cahier des charges encadre leurs activités et établit les conditions d’organisation des examens.

L’arrêté du 29 avril 2024 a récemment révisé le cahier des charges existant datant de 2016. Ce nouvel arrêté met en place plusieurs mesures visant à lutter contre la fraude (article 1).

L’installation d’un contrôle interne

Première nouveauté : Chaque opérateur agréé devra désigner un représentant régional chargé de lutter contre la fraude (article 2). Les missions de ce représentant sont diverses et détaillées dans l’annexe II de l’arrêté.

Mise en place d’un système d’indicateurs pour détecter d’éventuelles anomalies (article 5) liées à :

  • L’éloignement géographique entre le département du candidat et le site d’examen.
  • L’organisation de sessions en dehors des horaires prévus.
  • Les taux de réussite par site d’examen, en particulier les taux de réussite anormalement élevés par rapport à la moyenne départementale.
  • Les organismes de formation préparant les candidats à l’examen théorique du permis de conduire et les inscrivant dans leurs centres d’examen.

Une troisième mesure obligera les opérateurs agréés à réaliser des audits internes sur chaque centre d’examen (article 6), au moins une fois par an. Ils devront rédiger un document précisant les procédures d’audit et de contrôle internes des sites d’examen, des techniciens et des développeurs du système informatique de l’organisme agréé, ainsi que des examinateurs travaillant sous contrat avec l’organisateur agréé (annexe III).

Renforcement de la transparence envers l’administration

En plus des mesures de contrôle interne mentionnées, l’arrêté va imposer les opérateurs agréés à être plus transparents envers l’administration.

Ils devront soumettre à la préfecture du département où se trouve le centre d’examen une liste détaillée des examinateurs, ainsi que toute mise à jour ultérieure de cette liste (article 3).

De plus, ils devront accorder à l’administration un accès à leur système informatique pour permettre la consultation des sessions d’examen par site et par horaire (article 4), idéalement en temps réel.

Des sessions d’examen de code mieux encadrées

L’arrêté renforce les règles entourant l’organisation des examens. Désormais, les sessions auront lieu exclusivement entre 8h et 20h. Aucune session ne pourra être programmée les dimanches et jours fériés. Aucun retard ne sera toléré : les candidats arrivant après l’heure de début de la session seront refusés (article 7).

Une attention accrue sera accordée à la vérification de l’identité des candidats (article 8) ; les résultats des épreuves seront dorénavant communiqués par l’administration dans les 24 heures suivant la fin de l’examen (article 9).

Réorganisation des délais et des mesures disciplinaires

  • L’arrêté stipule que tout centre d’examen exploité par un opérateur agréé, fermé en raison de fraude ou de non-respect du cahier des charges, ne pourra rouvrir dans les mêmes locaux avec un autre opérateur agréé qu’après un délai de 6 mois (article 10).
  • De plus, le Ministère se réserve le droit de retirer l’agrément à un centre d’examen en cas de non-respect du cahier des charges (article 12).

Toute la charge sur les opérateurs

Ces nouvelles mesures de lutte contre la fraude imposent une grande charge de travail et des coûts importants aux opérateurs agréés, ce qui est assez surprenant. Les principaux opérateurs, qui sont moins touchés par la fraude, car ils disposent déjà de systèmes de contrôle interne, ne seront que peu affectés par ces nouvelles règles.

En revanche, pour les petits opérateurs, ces mesures représentent un coût élevé et les mettent face à un dilemme. Plus ils investissent dans la lutte contre la fraude, plus ils risquent de découvrir des cas de fraude. Quel opérateur acceptera des contrôles approfondis s’ils peuvent entraîner la fermeture de 20% de leurs centres d’examen ?

Bien que des audits annuels sur site soient prévus, il est probable qu’ils soient réalisés uniquement pour se conformer à l’arrêté. Un audit de 30 minutes par centre, mené une fois par an par l’opérateur, sera-t-il suffisant pour détecter les fraudes ? Les indicateurs statistiques le permettront-ils ?

Du personnel en nombre suffisant ?

Les nouvelles mesures anti-fraude révèlent les lacunes en termes de ressources de l’administration. Faute de personnel pour effectuer les contrôles, on demande aux opérateurs agréés de fournir des informations et des indicateurs de suivi.

Bien que l’administration dispose déjà de l’outil Polex pour lutter contre la fraude aux examens, l’accès aux sessions avant les examens est un progrès. Cependant, les Départements de la Prévention et de la Sécurité Routière auront-ils les ressources humaines nécessaires pour suivre ces indicateurs quotidiennement et envoyer des inspecteurs sur place en cas de suspicion sur l’identité d’un candidat ?

De même, le cahier des charges interdit aux centres d’examen d’avoir des liens avec l’enseignement de la conduite. De nombreux centres d’examen en franchise sont gérés par des proches (famille ou amis) de propriétaires d’auto-écoles. L’administration disposera désormais d’une liste d’examinateurs nominative. Aura-t-elle le temps d’enquêter en profondeur sur chaque examinateur ? Pourra-t-elle retracer les liens familiaux, amicaux, les antécédents professionnels, etc. ?

De nombreuses failles

De même, sans une « liste noire » des centres d’examen fermés pour fraude, un centre pouvait être fermé par un opérateur agréé et rouvrir sous une autre enseigne la semaine suivante. Bien que l’imposition d’un délai de 6 mois soit une avancée, les fraudeurs pourraient toujours ouvrir ailleurs en utilisant un prête-nom…

En fin de compte, ces mesures vont dans la bonne direction, mais leur efficacité dépendra largement de l’investissement en ressources humaines que le Ministère devra consentir pour surveiller les indicateurs et réaliser des contrôles sur place, nombreux et aléatoires. Tout comme pour les examens pratiques, cela implique le recrutement et la formation de nouveaux inspecteurs. Le cadre réglementaire est en place, il est désormais temps d’agir…

JC
JC

Enseignant de la conduite depuis 2000 et créateur de JC Conduite, j'ai à cœur de partager mon expérience pour vous aider dans votre formation et votre vie de conducteur.

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